Infections à Covid-19 et manifestations cardio-vasculaires
Stefania Aur, Sabina Rosset, Cyril Pellaton | Service de cardiologie, réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe) |
Le virus SARS-CoV2 (Covid-19) attaque de manière prédominante le système respiratoire. Il utilise des protéines de surface appelées S-spike pour lier les récepteurs à l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (récepteur ACE 2). Ces récepteurs sont exprimés dans les pneumocytes de type 1 et 2 mais aussi dans les cellules endothéliales (1,2).
Les patients présentant une pathologie cardio-vasculaire préexistante semblent être plus vulnérables à l’infection par le Covid-19. Ces patients peuvent présenter des formes plus sévères, augmentant ainsi leur morbidité et leur mortalité. On retient comme facteurs de risques le sexe masculin, l’âge avancé, le diabète et l’hypertension artérielle (3). L’infection à Covid-19 engendre une réaction inflammatoire multi-systémique générant une décharge cytokinique (Interleukine-6, Interleukine-17 notamment), pouvant mener à une atteinte de plusieurs organes dont le système digestif, neurologique mais aussi le myocarde avec une atteinte directe des cardiomyocytes. Les récepteurs ACE-2 sont également exprimés sur les cellules endothéliales. Une dysfonction endothéliale est suspectée potentiellement suite à un effet cytotoxique viral ou via une inflammation locale (4). Cette hypothèse expliquerait une atteinte microvasculaire diffuse de type « endothélite ».
Les manifestations cardio-vasculaires sont fréquentes. En premier lieu, on peut retrouver un déséquilibre entre des besoins en oxygène accrus (en lien avec l’infection sévère) et des apports d’oxygène limités (en lien avec l’atteinte pulmonaire) menant à des souffrances myocardiques secondaires (infarctus de type II) (5).
Une souffrance myocardique est évoquée lors d’une élévation des troponines. La souffrance myocardique, quelle qu’en soit l’origine augmente significativement la mortalité en lien avec l’infection au Covid-19 (hasard ratio 4.2 selon une étude (6)). La souffrance myocardique peut être secondaire à plusieurs atteintes distinctes et différentes physiopathologies :
- Infarctus de type I : rupture de plaque potentiellement favorisée par l’inflammation systémique. L’activation du système immunitaire caractérisée par une décharge cytokinique est suspecté de déstabiliser la plaque d’athérosclérose et de favoriser les événements coronariens aigus.
- Infarctus de type II : souffrance myocardique secondaire à un déséquilibre entre des besoins en oxygène accrus (en lien avec l’infection sévère) et des apports d’oxygène limités (en lien avec l’atteinte pulmonaire).
- Embolie pulmonaire : Une incidence augmentée d’événement thrombo-emboliques (thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire) a rapidement été suspectée bien que des chiffres exacts ne soient pas encore disponibles. L’inflammation systémique, une activation de la coagulation, la dysfonction endothéliale, l’hypoxémie et l’immobilisation sont de potentielles explications pour expliquer cette incidence élevée. (7,8)
- Myocardite : il s’agit d’une atteinte inflammatoire des cardiomyocytes. Une identification rapide des patients avec suspicion de myocardite est importante afin de ne pas méconnaître d’éventuelles myocardites fulminantes. L’échocardiographie est l’examen de choix pour identifier une éventuelle dysfonction ventriculaire. En cas de suspicion, il sera rapidement complété par une IRM cardiaque à la recherche d’œdème myocardique et de rehaussement tardif pathognomonique de myocardite.
- Insuffisance cardiaque : une péjoration clinique des patients atteints d’une insuffisance cardiaque pré-existante est souvent observée durant l’infection.
Il existe aussi un risque plus marqué d’arythmie, notamment secondaire à la souffrance myocardique. De plus, les effets indésirables de certains médicaments ont été incriminés concernant le risque d’arythmie. En premier lieu l’azythromycine, antibiotique macrolide, est bien connue pour prolonger l’intervalle QT. En association avec l’hydroxychloroquine, il existe un risque d’augmenter encore l’intervalle QT avec un risque théorique de torsade de pointes. Le lopinavir ou le ritonavir, des inhibiteurs de protéase peuvent allonger l’intervalle PR et le QT. Des cas de troubles de conduction atrio-ventriculaires sont décrits mais rarement des torsades de pointes. Ils inhibent le CYP3A4 pouvant diminuer les taux circulant de clopidogrel ou de prasugrel. A noter encore que les sociétés savantes recommandent de ne pas arrêter les traitements par inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou de sartan.
Durant la période d’épidémie, une importante baisse des admissions dans les hôpitaux a été constatée en Italie pour des syndromes coronariens aigus, mais avec une augmentation significative de la mortalité et complications chez les patients admis (9). Cette tendance inquiétante démontrée en Italie a également été observée en Suisse. Une information aux patients à ne pas « éviter » les hôpitaux en cas de symptômes suggestifs d’un syndrome coronarien aigu est nécessaire.
En résumé, cet article met en lumière les messages clés suivants:
- Les patients présentant des pathologies cardiovasculaires sont plus à risque de développer des formes sévères d’infection. La morbidité et la mortalité chez ces patients est augmentée.
- L’infection à Covid-19 augmente le risque de souffrance myocardique et d’arythmie. Une souffrance myocardique augmente significativement la mortalité en lien avec l’infection au Covid-19.
- Plusieurs atteintes cardio-vasculaires sont associées à l’infection par Covid-19 par des mécanismes physiopathologiques distincts : Infarctus de type I, infarctus de type II, embolie pulmonaire et myocardite notamment.
Références
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- Salvatore De Rosa, Carmen Spaccarotella, Cristina Basso, Maria Pia Calabrò, Antonio Curcio, Pasquale Perrone Filardi, Massimo Mancone, Giuseppe Mercuro, Saverio Muscoli, Savina Nodari, Roberto Pedrinelli, Gianfranco Sinagra, Ciro Indolfi, Società Italiana di Cardiologia and the CCU Academy investigators group, Reduction of hospitalizations for myocardial infarction in Italy in the COVID-19 era, European Heart Journal, , ehaa409, https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehaa409