Situations de la vaccination contre le COVID
Drs Claude-François Robert et Laurent Kaufmann | Service de la santé publique, office du médecin cantonal
Mars est un tournant de la campagne de vaccination Covid débutée le 28 décembre dans le canton de Neuchâtel. Nous avons basculé de la phase de mise en place du dispositif à celle qui nous permettra de vacciner plus de 12'000 personnes par semaine avec trois centres de vaccinations, des équipes mobiles et bientôt dans les cabinets médicaux et les pharmacies.
Par cet article, nous souhaitons rendre compte des premiers résultats et des intentions pour la suite. A fin janvier, le canton était pris à partie sur le faible taux d’utilisation des vaccins par rapport aux dotations allouées (1.7%). Ceci n’était que la montée en puissance prudente (mise en réserve des 2èmes doses) conformément aux projections de livraisons.
La situation début mars
Actuellement, près de 90 % des vaccins livrés par la base logistique de l’armée (BLA) sont utilisés, ce qui représentait au total 17'000 doses administrées à fin février. 4431 personnes ont maintenant reçu une 2ème dose.
Graphique 1 : Doses livrées et administrées par semaine avec la proportion d’utilisation.
Notre dispositif de vaccination de masse a atteint sa capacité maximale le 24 février avec la mise en exploitation du centre de vaccination de Polyexpo à La Chaux-de-Fonds (Comirnaty). Il compte quatre lignes de vaccinations comme celui de La Maladière (Moderna), soit un débit maximal de 960 vaccinations par jour par centre.
Le facteur limitant reste la livraison de vaccins par la Confédération, ce qui devrait augmenter dès le mois de mai avec l’arrivée de nouveaux vaccins. C’est à ce moment que toutes les forces du canton capable de vacciner devraient être mobilisées.
Actuellement, la question prioritaire n’est pas de « faire du chiffre » mais de cibler les vaccins disponibles sur les bonnes personnes.
Le graphique ci-dessous indique la progression de la vaccination dans les groupes prioritaires. Parmi les personnes hautement vulnérables (référées par les médecins), les résidents d’EMS et le personnel soignant prioritaire, on voit maintenant progresser les personnes ayant reçu une deuxième dose.
Graphique 2 : Taux de couverture atteint pour les 1ères et 2èmes doses
Nous restons dans une phase difficile et voulons nous garder de tout triomphalisme. Une semaine après la vaccination avec leur première dose, deux EMS ont été touchés début février avec des taux d’attaque proches de 50 % des résidents. Ces cas, avec d’autres « clusters » ont induit une augmentation du taux de reproduction effective du canton aux alentours de 1.22. Une situation à risque de « cluster » est survenue cette semaine dans un EMS. Le dépistage élargi n’a pas montré un seul cas positif. La majorité des EMS aura reçu une deuxième dose de vaccin d’ici mi-mars.
Suite de la campagne de vaccination
La campagne ne vise pas seulement à une course comparative entre cantons mais à poursuivre des objectifs de santé publique. Les deux premiers ont été de protéger les personnes les plus vulnérables et de protéger le personnel de soins le plus exposé, de façon à diminuer l’impact de l’épidémie sur le bon fonctionnement du système de soins. Rappelons aussi que même avec une première dose ces objectifs ne sont que partiellement atteints.
Ceci est bien illustré par le graphique 3 qui montre la distribution de la vaccination des groupes-cibles au cours du temps.
Graphique 3 : vaccination en fonction des groupes prioritaires
Avec près de 50 malades Covid hospitalisées et plusieurs cas aux soins intensifs de RHNE, la tension reste palpable au niveau de l’hôpital.
La phase suivante, qui dépendra des doses disponibles, devrait permettre progressivement d’élargir l’accès à la vaccination à l’ensemble de la population. Ce sont donc près de 3000 doses de vaccins qui devraient être administrées chaque jour ouvrable dans le canton. La participation des médecins en cabinet constituera une contribution importante à cet effort. Il nous paraît juste de relever ici les efforts de nos collègues médecins dès le premier jour de la campagne pour assurer une assistance médicale dans les trois centres de vaccination, superviser la vaccination en EMS, réaliser par RHNE la vaccination du personnel de soins prioritaires et finalement appuyer nos groupes de travail (organisation, expertise en vaccinologie, éthique).
A relever que la majorité des médecins joue un rôle facilitant pour rendre le vaccin accessible à sa patientèle, ceci conformément à ce qui est attendu comme devoir professionnel en application de la loi sur les épidémies. A chaque fois, le rôle et l’image du médecin sont des facteurs décisifs pour atteindre les taux de couverture vaccinale qui permettront de contrôler cette épidémie.
L’impact de la vaccination en Israël et en Ecosse montre des effets prometteurs dans les groupes-cibles. Les effets indésirables semblent voisins des autres vaccins. Les prochaines semaines vont rester difficiles tant pour les soignants que pour la population. Seul un effort concerté de tous les acteurs de la santé permettra à notre population d’atteindre la « zone de sécurité » dont nous rêvons depuis des mois.