Retours pédiatriques sur l’épidemie de covid-19 : un virus qui décoiffe.
Dr Laurent Pugnère, médecin pour nourrissons, enfants et adolescents | Le Locle
- L’épidémie de COVID-19 aura en effet passablement bouleversé les certitudes pédiatriques…
- Présentée au départ comme une simple grippe, la communauté scientifique s’attendait à retrouver les enfants en première ligne. D’où la fermeture précoce des écoles.
- Or il est apparu assez vite que les enfants étaient peu atteints par l’épidémie, le plus souvent très légèrement et voire étaient asymptomatiques.
- Ainsi la Société Suisse de Pédiatrie rapporte que ceux-ci, dans l’ensemble des pays concernés, représentent moins de 1% des cas.
- Chiffres corroborés par les statistiques cantonales de la Santé Publique Neuchâteloise1, qui ne retrouvent que 12 enfants testés positifs au 25 mai sur 720 cas totaux de -18ans !
- Le professeur Paolo MANZONI, infectiologue réputé de l’hôpital de Turin confirme ces chiffres, précisant que les enfants représentaient en Italie 11% des patients hospitalisés (formes légères de la maladie).
- Sur 1500 patients en réanimation en Lombardie il n’y avait que 4 bambins…
Mais pourquoi l’enfant s’infecte t’il si peu et moins gravement que l’adulte ?
- Sans doute parce que la porte d’entrée du virus dans l’organisme, apparait être les récepteurs ACE2 des cellules endothéliales, moins présents chez les enfants qui développeront une réponse immunitaire moindre.
- La maladie COVID-19 s’apparente en effet à une maladie vasculaire associée à une réponse inflammatoire anormale. D’où des lésions cutanées sous forme de micro thromboses ischémiques périphériques (20% des patients italiens).
- A en rapprocher les syndromes Kawasaki like ou PIMS (pediatric inflammatory multisystem syndrome) qui ont heureusement concerné peu d’enfants (environ 230 cas en Europe, avec peu de décès constatés). A noter pour épaissir le mystère de cette maladie que 60% des enfants en cause étaient d’origine afrocaraïbe, selon les équipes Londoniennes et Françaises concernées. Part génétique ?
- Enfin l’immunité croisée pourrait jouer un rôle, les enfants ayant été préalablement infectés par d’autres coronarovirus. (Cf. article paru dans la revue Cell d’immunologie américaine).
Par ailleurs, les enfants se montrent peu transmetteurs de la maladie entre eux et envers les adultes
- Une étude Australienne et une autre parue dans le Lancet récemment, démontrent que ceux-ci contaminent dans 10% des cas, contre 50% dans la grippe. Chiffres corroborés par le professeur DIANA, étude à paraitre dans Pediatrics*.
- Dès le début de l’épidémie le cas de cet enfant de 9 ans, atteint en France voisine (cluster de Haute Savoie fin février) s’avérait assez édifiant. En effet, 172 de ses contacts avaient été identifiés, alors placés en quarantaine, et aucun n’avait exprimé la maladie…
- C’est ainsi que la Société Suisse de Pédiatrie avait pu appuyer fortement la reprise de l’école, en démontrant le faible risque pour les enfants et leurs parents.
Appel relayé par la SNM et MFNe ce qui a été apprécié par les enseignants, confrontés a des parents passablement déboussolés.
http://www.snm.ch/images/documents/actualites/Communique_MFE_SNM_reprise_scolaire_15_05_20.pdf
Au final, l’épidémie de COVID-19 qui semble tirer sur sa fin (cf. statistiques cantonales en cloche avec 1-2 cas journaliers)2 aura représenté quand même un impact majeur sur la santé des enfants, mais pas forcément là où on l’attendait.
- Les différents services de pédiatrie ont en effet tous rapportés un effondrement des passages aux urgences (otites, bronchiolites, rhinopharyngites… ayant quasiment disparues, viro-induites ?). Effets de la distanciation sociale imposée aux enfants, combiné à la présence du virus ?
- Pour les pédiatres de ville en tout cas l’activité s’est effondrée durant cette période (taux de 30% d’activité en moyenne) avec des salles d’attentes quasi vides…
- Pour autant ce tableau ne doit pas occulter les risques encourus par nos chères têtes blondes durant le confinement : décrochage scolaire, désocialisation, addiction aux écrans, pertes de repère, anxiété, obésité… Ainsi, une méta-analyse publiée le 1er juin dans le journal of the american academy of child and adolescent psychatry, démontre que la solitude prolongée ressentie chez les jeunes de 4 à 21 ans entrainerait un risque de dépression multiplié par 3 ! Sans oublier les violences intrafamiliales et les décompensations de maladies chroniques, particulièrement dans les classes sociales défavorisées.
- Il est à craindre qu’à ce sujet la période à venir, s’avère particulièrement délicate et sensible en pédiatrie.
- Beaucoup de travail attendent sans doute les pédiatres, les psychologues et les milieux sociaux éducatifs. Bienvenue dans le monde de demain…
SNM_News_Eté_2020_Numéro_101.pdf
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