Après la deuxième vague de COVID-19
Dr Claude-François Robert, médecin cantonal |
A ce jour, cette épidémie a occasionné 8410 cas confirmés dont 7461 (89%) en octobre et novembre avec 149 décès dans le canton de Neuchâtel. La deuxième vague montre un fléchissement bienvenu. Le taux de reproduction effectif (Re) du virus se situe à 0.8 ce qui indique que la vitesse de transmission décroit. L’hiver sera long et le système de santé reste fragile. Au service de la santé publique, nous avons posé plusieurs objectifs pour les mois à venir :
- Assurer l’accès aux soins
- Lutter contre l’épidémie
L’accès aux soins dépend à la fois de la capacité du système hospitalier « d’encaisser » la vague et de celle du système ambulatoire de traiter les cas les moins graves et surtout, contrairement en mars, à assurer la prise en charge des tous les autres malades.
La lutte contre l’épidémie se joue sur quatre fronts, l’hôpital, les EMS, les soins ambulatoires et le front de la lutte contre l’épidémie.
Le front de l’hôpital
Jeudi 19 novembre, nous avons été accueillis sur le site de Pourtalès du RHNE. Dès l’entrée, avec l’aide la Protection civile, les personnes sont triées dans des flux sécurisés, voire testées avec des tests antigéniques rapides. Aux urgences, la prise en charge des COVID et non COVID est bien organisée. Une unité de soins de courte durée permet de réaliser des investigations et de commencer les traitements, d’observer l’évolution sous oxygène.
Nous avons été frappés par l’organisation des soins intensifs, le calme et le professionnalisme des équipes. Les traitements ont évolué depuis mars, on intube et dialyse moins, la déxaméthasone est administrée en cas d’aggravation. La charge reste importante, par exemple quand il faut se mettre à quatre pour installer un patient en décubitus ventral.
Le plus intéressant est l’unité de dix lits de ventilation non-invasive. On y administre de l’oxygène à haut débit au masque. Les physiothérapeutes interviennent précocément et on y débute aussi la mobilisation du patient qui a souvent perdu une grande partie de sa masse musculaire après une intubation de plusieurs semaines.
Avec cette vague, l’hôpital accueille plus de 150 patients COVID. As-t-on déjà vu, même au pic de la grippe, près de 50 % des soins orientés vers un seul diagnostic ?
En sortant du RHNE, nous partagions tous un sentiment de gratitude pour ces équipes. Leurs compétences sont visibles et la population peut être rassurée d’avoir un tel outil à disposition malgré les circonstances.
Les EMS
13 EMS sur 52 sont touchés avec plus d’une centaine de résidents atteints. C’est là aussi que se concentre une majorité des décès. Après une période de stabilisation, nous observons depuis dix jours une recrudescence de clusters de grandes tailles. Après le premier cas, l’entourage est testé rapidement par une équipe mobile de NOMAD. Parfois, plus de dix nouveaux cas sont découverts avec d’autres dans les jours à venir.
Les conséquences pour le personnel sont lourdes. Après analyse des besoins, la Protection civile peut être engagée en appui.
Nous aurons encore une augmentation des décès pendant une dizaine de jours. Donc, les besoins en soins palliatifs augmenteront. La hotline de soins palliatifs de la gériatrie a été réactivée. Avec l’équipe mobile de soins palliatifs, tout doit être fait pour que ces personnes soient accompagnées avec dignité.
Le dossier des EMS est sans doute le plus douloureux. Faire une pesée d’intérêts entre des mesures de frein au virus et qui provoquent l’isolement, des formes de contrainte, est une tâche difficile qui doit se construire aussi avec les directions de ces établissements et à l’écoute des familles.
Le front ambulatoire
Ce front est bien connu des lecteurs de SNM News puisqu’ils en sont les acteurs. Nous observons que certaines craintes se sont dissipées sur la manière de se protéger. Donc, l’activité médicale peut se poursuivre, contrairement à la période du confinement. L’élément le plus important est la poursuite des activités médicales pour les autres pathologies.
Nous sommes heureux que des tâches de base comme le service de garde puisse être réalisé sans surcharge.
Le front de la lutte contre l’épidémie
La lutte contre l’épidémie s’appuie sur deux modes d’action, les mesures collectives et les mesures individuelles.
Les mesures collectives sont décidées par le Conseil d’Etat après étude par l’Etat-major ORCCAN. Elles comprennent par exemple les décisions de fermeture des restaurants, les limitations de rassemblement de personnes, le port du masque. L’équilibre entre le bénéfice de santé publique mesurable et l’impact économique est très subtile. Il faut relever le rôle central du service de la consommation et des affaires vétérinaires qui propose ces mesures et est aussi chargé de leur surveillance.
Les mesures individuelles se traduisent par les décisions d’isolement et de quarantaine. C’est le service de la santé publique qui en a la charge. Ce sont plus d’une trentaine d’enquêteurs, rattachés à la Ligue pulmonaire, qui gérent chaque jour et le plus vite possible toutes ces situations sous la conduite du médecin cantonal adjoint.
Figure 1 : Organisation des flux pour réaliser les mesures de contrôle individuelles
Ce système doit sans cesse être réorganisé. Actuellement, nous travaillons sur une nouvelle stratégie de dépistage qui intègre aussi les tests rapides antigéniques et leurs limites. L’étape suivante est de développer une approche de tests plus aggressive en cas de clusters, notamment dans les entreprises.
Une fois que les mesures collectives auront ralenti l’épidémie, il s’agira de renforcer encore les mesures de traçage pour rester dans une zone de sécurité, comme ce fut le cas en juin et juillet. La zone de sécurité peut se définir à Neuchâtel comme une période prolongée avec moins de dix cas par jour et un taux de positivité des tests de moins de 5 %.
Figure 2 : Nombre de tests et taux de positivité
Conclusion
Une fois atteint le seuil de sécurité, tout doit être mis en œuvre pour y rester. Nous avons tous compris que le risque de laisser le virus ensemencer la population et ressurgir en mode exponentiel doit être empêché.
C’est donc une attention maximale qui devra être portée ces prochains mois pour éviter une troisième vague.
La vaccination est la seule option pour contrôler le virus COVID-19. Ce sera une opération jamais réalisée en Suisse. Elle s’inspirera de campagnes de vaccinations organisées par l’OMS dans la lutte contre la méningite au Sahel ou au Brésil, soit réaliser des milliers de vaccinations chaque mois. Avec quels vaccins, dans quelles conditions, vers quel groupe prioritaire ?
Ces questions sont encore en suspens. Au service de la santé publique, nous avons engagé une cheffe de projet chargée de conduire ce dossier. La collaboration avec médecins et pharmaciens sera essentielle. Nous savons combien nous pouvons compter sur le corps médical depuis le début de l’épidémie.
Les mois à venir seront un défi majeur pour viser le contrôle de ce virus et pour réduire les impacts sur la société.